samedi 28 mai 2016

Orlando, Virginia Woolf , 1928




 

Isabelle Huppert dans le rôle d'Orlando, 
1993, adaption de Bob Wilson ,
Théâtre de l'Odéon - Paris -


" L'esprit exécute de folles cabrioles 

et gambades quand il déborde ainsi de la 

soucoupe ." ! 

Oui et c'est un bonheur  !

Que passent les jours et les siècles, que  passent les 

royaumes, les empires, que passent toutes les modes 

mêmes celles des guerres , et celles des sexes mais

que vive la création !


Orlando, c'est un hymne à la vie, à la littérature, à la poésie.

Le temps ne passe plus pour Orlando.  Pas réellement. 

Mais il passe vraiment !

« Le temps passa » c'est comme écrire  : 

«  il n'arriva rien du tout ».

Alors elle écrit, 

il écrit, 

...écrire !






 Virginia Woolf. Orlando: A Biography.
New York: Crosby Gaige, 1928. 


Et peu importe l'heure à laquelle nous arriverons !

Prenons toutes les routes , 

seul nous contera la vérité de l'acte !


« Et comme le jour était bref et que le jour était tout... »


L'enfant maladroit et solitaire, heureux et poète, amoureux

fou continue de vivre.

Oublie-t-il d'en mourir ? 

En vérité, il lui faut écrire alors il écrit .

Orlando c'est la nuit qui s'éclaire , 

c'est les flammes d'un esprit qui illuminent un monde.

Orlando c'est la liberté. 

La joie, l'innocence du génie, la folie.

La beauté, l'intelligence aussi .

Cet extrême sentiment qui nous est donné de vivre.

«  car le philosophe a raison de dire qu'il ne faut rien de plus

 épais que la lame d'un couteau pour séparer le bonheur de la

 mélancolie. »


Tellement fort que tout « après » semble déjà voué 

à une poussière misérable.


Tellement fort que le temps ne signifie plus, 

que la raison transperce le coeur et l'âme, 


Tellement fort que l'espace et le temps sont un Royaume.


L'écriture de Virginia Woolf touche au génie. 

Sa plume se fait tour à tour fleuret, scalpel , caresse, 

souffle ou vol d'oiseau.


Elle nous conte, elle nous confie, elle nous interroge. 

Elle nous secoue, nous transporte. Nous chahute.


Trois cent ans passent si vite en son extrême compagnie.


« Le doigt de la mort doit nous toucher pour rendre

 supportable le chaos de la vie…. »


Et si jamais la mort ne nous atteint pas…. ? 


Et si nous vivons encore, 

...toujours, si fort, tellement…

Vivre toutes ses formes, extrêmement.


Doit on marcher sur les bords de la Serpentine 

pour garder le reflet d'un visage ?.. 

Comment oublier la nuit ? 

Comment rêver ?  ne pas sombrer

Comment ne jamais se réveiller ?


Orlando est liberté. 

Fragile parfois, invulnérable, parce qu'elle est ce qu'il vit, et


 elle vit ce qu'il est. Il ne dort pas, elle vit.


« La société est est tout et elle n'est rien . C'est la concoction

 la plus puissante du monde et la société n'a pas la moindre

 réalité. Seuls les poètes et les romanciers peuvent traiter

 avec de tels monstres ».


Et c'est un bonheur que de lire le sort qu'a réservé Virginia

 Woolf à ces monstres.


Avec art, avec humour, avec lucidité, avec force, avec

 fantaisie, avec poésie, avec courage , avec témérité, avec

avec amour, avec tendresse, avec génie.


« Pudeur, Pureté et chasteté » pourront toujours tenter de 

faire taire les trompettes de la vérité...
 

Elles peuvent toujours s'écrier :


«  Les temps ont changé : les hommes ne veulent plus de 

nous et les femmes nous détestent. Nous partons, nous 

partons. ! »


« Moi ( c'est pureté qui parle) pour le perchoir du poulailler, 

moi ( c’est chasteté) pour les hauteurs encore inviolées du

 Surey ; moi ( c'est Pudeur) pour n’importe quel recoin 

aimable, bien pourvu en lierre et en rideaux.

Car c’est là-bas et non pas ici (toutes parlent ensemble, 

en se prenant la main et en faisant des gestes d'adieu 

désespérés en direction du lit où gît Orlando endormi) que

 résident encore, aux fonds des nids et des boudoirs, les

 bureaux et les tribunaux, ceux qui nous aiment encore, ceux

 qui nous honorent : vierges et hommes d'affaires, hommes

 de loi et docteurs, ceux qui interdisent et qui réfutent ; ceux

 qui vénèrent sans savoir pourquoi et ceux qui approuvent

 sans comprendre ; la tribu encore nombreuse ( le ciel soit

 loué) ...des gens respectables. 

Qui préfèrent ne pas voir, qui  désirent ne pas savoir, 

qui aiment l'obscurité et nous adorent encore, 

non sans raison : car c'est nous qui leur avons donné 

Richesse, Prospérité, Confort.

Vers eux nous allons, et nous vous laissons.

Venez mes sœurs, venez ! Ce lieu n'est pas pour nous. »

« Elles se retirent en grande hâte, rabattant leurs draperies

 sur leur tête, comme pour se préserver de quelque chose

 qu'elles n'osent pas regarder, et elles referment la porte

 après elles. 
 
Nous restons donc entièrement seuls dans la pièce avec 

Orlando endormi, et les trompettes.

Celles ci se rangent cote à cote en bon ordre, et d'un seul

 souffle décuplé, elles exigent :

« La Vérité ! »

Et là dessus Orlando s'éveille

Il s'étire, il se lève.Il apparaît totalement nu à nos yeux et 


tandis que les trompettes clament «  la Vérité ! »

 « La Vérité ! » force nous est de l'avouer : 

il est devenu femme. »


Oui les vieilles rombières Pudeur, pureté et Chasteté 

pourront  toujours s'écrier...

Virginia quant à elle nous écrira toujours.




« Et comme le jour était bref et que le jour était tout... »






"Orlando", film de
 Sally Potter 1992 
Tilda Swinton dans le rôle d'Orlando. 




Orlando de Virginia Woolf 
libre de poche 
Traduction:
Catherine Pappo- Musard 
ISBN  9782253029830

Astrid Shriqui Garain , lecture .

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