mardi 4 octobre 2016

Notre-Dame-aux-Ecailles, de Mélanie Fazi




Notre-Dame-aux écailles . Deuxième recueil de nouvelles de Mélanie Fazi paru en 2008 aux éditions Bragelonne. 

Fantastique. registre fantastique. 
Écriture fantastique. 
Serpentine, le premier recueil de nouvelles de Mélanie Fazi paru en 2004 m'avait enchanté. 
Ce second recueil m'enchante tout autant que le premier , si ce n'est plus, et il me propulse littéralement dans un champ littéraire de haut niveau.

Le registre fantastique n'est pas mon domaine de lecture privilégié. La science fiction n'est pas non plus le genre littéraire vers lequel le choix de mes lectures me conduit instinctivement.
Question de culture...générationnelle ? Faux ...et vrai - à la fois.
Faux parce que Le fantastique existait déjà eu 19e siècle. Donc il n'est pas l'enfant spontané d'une nouvelle génération.
Rappelons nous ...Poe, Hoffman , Huysmans, Verne, Nodier, Villiers de l'isle Adam, et puis... et puis…. la liste est très longue.
Le 20e siècle ne nous a t il pas également offert l'honneur de lire l'immense fantaisie d' Italo Calvino ?
Le 18e, ne nous a t il pas livré le micromégas de Voltaire ?
Question Culturelle ? Plutôt vrai. Ma génération a été élevée dans un culture de désarticulation de langages. Là où nous convenions d'un chat nous émettions le chant d'un strapontin.
Façon post- surréaliste de décrire un quotidien post ou pré apocalyptique.
Nous triturions la grammaire celle des mots celles des images, celles des idées également.
Désarticuler un langage c'est déjà le désarmer , ce n'est pas le démembrer.
Ma génération est celle qui fut conçue par des enfants de la guerre. Ma génération n'est pas unique et malheureusement partout dans le monde notre famille s'agrandit….
Nous avons été élevés, éduqués , presque formatés par des adultes qui avaient tous joué un rôle durant la seconde guerre mondiale. Rôle de témoin, rôle de victimes ou rôle de meurtrier. Actif ou passif ils avaient tous été mis en scène lors de la seconde boucherie du 20e siècle.
Le rapport me direz vous ? Le rapport c'est que pour comprendre un peu ce qui s'était passé il a bien fallu se regarder les uns les autres.
S'interroger, se percuter, s'affronter, se pardonner, se bercer, de laisser aller, et même se suicider parfois. Du moins tenter.
Il aura fallu chercher dans les images, les phrases, et même les silences , les indices, les traces, les empreintes de ce qui allait advenir.
Le passé est symbolisé par l'enfance, la famille était pour nombreux le terrain d'investigation par excellence. L'origine. Nous sommes arrivés à vouloir écrire le film ou le livre des origines. Une horreur à couper le souffle nous avaient presque littéralement retirer le devoir d'imaginer.
Irai je jusqu'à dire que le nombrilisme a rempli nos espaces littéraires ? Cela serait exagéré, et faux sans doute. Mais il me plait d'évoquer cette éventuelle dérive.
Disons que parfois -reconnaissons le - il nous plait de nous reconnaître dans le nombril d'un autre.
Le nombril étant de forme sphérique, peut être que le registre de certains romans tourne court face à notre œil rond.
Et puis un nombril est plus léger qu'une poutre, et aucun nombril n'a envoyé un matelos à la mort, ce qui n'est pas vrai d'une paille, surtout lorsqu'elle est courte.
Mais là, je m'écarte...d'un pouce.

L'imagination fut reléguée au rang du registre « jeunesse ». De l'évasion ludique, du « pas tellement sérieux tout ça » , de la détente, du jeu.
Le jeu.
Comme si le jeu ne contenait pas toutes les arcanes des modèles éducatifs possibles.
Le jeu fait parti du domaine cognitif, on l'oublie trop souvent.
On apprend en jouant.
Il suffit d'observer tous les jeunes mammifères pour le comprendre.
Pas sur qu'un loup arriverait à se nourrir correctement sans avoir appris la ruse en jouant avec ses frères et ses sœurs…

Fantastique : science fiction, policier, science-fiction horreur, contes, romances, aventures ou encore merveilleux, tous les genres de ce registre peuvent être des terres fécondes de très belles et remarquables écritures.

Vous me pardonnerez le cheminement long et parfois tortueux de ma pensée, mais je souhaite avec vous tenter de comprendre pourquoi le registre fantastique est si rarement transmis par les voies académiques à nos enfants.

Pourtant très souvent on trouverait dans ce registre énormément de bases éducatives interessantes : tolérance, respect des différence, multiculturalisme, divers études psychologiques, technologiques, de bio-éthique, d'économie, de politique, de stratégie etc….La liste serait très, très, très longue.

Mais revenons à Notre Dame aux Écailles et à son auteure.
Ce qui m’impressionne peut être le plus chez Mélanie Fazi c'est réellement la construction de ses nouvelles et la qualité de leur écriture.
« La cité travestie » est une fabuleuse contre marche sur Venise. « En forme de Dragon « explore l'angoisse de la création artistique. « Le train de nuit » : la mort, le suicide, « Le langage de la peau », » les cinq soirs du lion « , la danse au bord du fleuve » : des appels et un éveil des sens. Mélanie se sert du merveilleux registre élémentaire qui est en nous , autour de nous pour nous faire traverser le miroir.
Cette sensualité est toute poésie. Rien ne paraît anormal dans les nouvelles de Mélanie Fazi. Tout paraît possible, imaginable, parce qu'elle sait regarder et dire la terre des hommes.
Leur chair, leurs pierres, le bout de leur chemins, leur peau, leur courant, leurs espaces, leurs saisons, leurs tanières, leurs ventres lourds et ronds, leur peur, leur soif, leur terreur, leurs bestiaires, Aussi bien concerant « Notre Dame aux Ecailles », ou « Mardi gras » , peut on parler de science fiction ? Oui nous sommes ,nous les humains ,des bêtes à fiction.
A rêver, à trembler, à espérer, à renaître.
Nous sommes phoenix, licorne, nous avons nos démons, nos anges, et nous y croyons.
Nous avons besoin de cela. Nous sommes fait de cette matière. De cette chair de possible.
Et plus nous sommes capables d'imaginer plus nous terrassons les dragons.
Si nous n'imaginons pas, nous n'inventons pas, nous ne créons pas.
Nous ne pouvons pas changer le court d' histoire. Si nous avons besoin de tellement de contes, d'histoires fantastques, c'est que nous avons besoin d'histoire à nous faire vivre debout, et non de prières à nous faire tomber à genou.
Je sais je parais excessive. Toujours. Sans cesse. Mais ce que je pense est peut être faux, mai je crois que c'est vrai. Vrai et juste.
L'imagination n'est pas le mensonge. Le mensonge est une torsion de la vérité, l'imagination ouvre la possibilité de toutes nos projections. Le mensonge tend toujours à la clôture du débat , l'imagination ouvre tous les débats.
Chacun a son idée, sa conception de la littérature. Pour ma part je crois que la littérature au delà de la qualité d'un style , est ce qui dans le domaine de l'écriture peut changer le court des choses. Changer la vie d'un homme, d'un peuple, d'une génération, changer les mentalités, les regards, changer la perception que nous avons des uns et autres, de tout ce qui nous entoure que cela soit animal, végétal, minéral, aérien, amphibien, sous terrain, céleste ou humain.
J'ai beaucoup aimé ce recueil. Par deux fois cette auteure m'a été recommandée par deux jeunes femmes, amoureuses de littérature et d'écriture.
Merci donc à Liza, pour Serpentine et merci à Anaïs pour Notre-Dame- aux- Ecailles.
Merci de m'aider à changer le court des choses. Découvrir un nouveau registre de littérature c'est un peu passer la porte des étoiles.
Lire Mélanie Fazi c'est faire de grands voyages. 

Bonnes lectures ! 



Lecture, 09.2016- Astrid Shriqui Garain 


Le site officiel de Mélanie Fazi :  http://www.melaniefazi.net/








4 commentaires:

  1. Et cette sensation terrible, quand tu as cette intuition, cette sensation, que viennent de tomber au sol les murs, les "limites" que tu t'imposais, sans savoir vraiment ni pourquoi ni quand... et cet univers qui s'ouvre à toi, cette liberté qui en découle. En tout...
    Ta plume s'en ressent. Et j'aime !

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  2. C'est toi Liza qui m'a fait connaitre cette grande et très belle écriture de Mélanie Fazi. Je tiens à t'en remercier une nouvelle fois. Bises !

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  3. Il faudrait que je lise celui-ci également... Bises à toi et porte-toi bien ! ;-)

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  4. Oui et tu me diras lorsque que tu posteras ton commentaire de lecture :) c'est avec un grand plaisir que je le lirai.

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